Du diagnostic à la sensibilisation

La vie de Delphine a changé radicalement en juin 2019, lorsqu'on lui a diagnostiqué un cancer du sein hormono-dépendant. À l'époque, elle avait différentes activités professionnelles, mais elle s'est rapidement concentrée sur la gestion de cette nouvelle réalité. Ce qui a commencé comme un journal personnel pour tenir ses amis et sa famille informés s'est rapidement transformé en un blog public, « Cancer Je Gère », dans lequel elle partageait ses pensées et ses émotions sur la vie avec la maladie.

« Le blog ne parlait pas vraiment du cancer – il parlait de la vie », explique Delphine. « Quand on parle de maladie, on parle inévitablement de la vie, de ses défis et des grandes questions auxquelles nous sommes tous confrontés. » Ses écrits ont trouvé un écho profond, gagnant un large public et attirant l'attention d'une maison d'édition. En octobre 2020, son livre Cancer ? Je Gère ! est sorti, offrant à la fois un récit personnel et des conseils pratiques pour d'autres personnes traversant des parcours similaires.

Mais Delphine ne s’est pas arrêtée pas là. Elle a lancé un groupe de soutien pour les femmes touchées par le cancer, tous cancers confondus, et leurs aidantes et, en 2021, a créé le podcast « Naître Princesse, Devenir Guerrière ». Ce podcast, devenu une référence dans le milieu francophone de l'oncologie, compte plus de 150 épisodes mettant en scène des patient.e.s, des aidants, des psychologues, des assos, des experts de santé…

Qu'est-ce qui vous a poussée à écrire le Petit guide pour consoler une personne malade ?

Delphine : Le guide est né d’un manque que j'ai constaté à maintes reprises au cours de ma propre expérience et à travers les histoires partagées dans mon podcast et mon groupe de soutien. Il y a un profond décalage entre les personnes malades et leur entourage. Souvent, les amis, la famille et même les professionnels de la santé bien intentionnés ne savent pas quoi dire ou faire, et leurs tentatives de réconfort peuvent être très maladroite et parfois involontairement aggraver la peine. Il s'agit de favoriser l'empathie. Par exemple, au lieu d'envoyer un message du type « Comment vas-tu ? », qui peut sembler être une question nécessitant une réponse longue, complexe et parfois épuisante pour le patient, vous pouvez envoyer « Je pense juste à toi. Ce message ne nécessite pas de réponse ». Ces petites adaptations peuvent faire une grande différence.

Comment le guide a-t-il été accueilli ?

Delphine : Les réactions ont été extrêmement positives. Le guide a été téléchargé des milliers de fois à partir du site web et distribué par des hôpitaux et des sociétés pharmaceutiques. Les médecins m'ont dit qu'ils aimaient le donner aux patients et aux soignants parce qu'il permet d'établir un lien humain. Les patients ont également adopté le guide et l'utilisent souvent pour éduquer leurs proches. Ce n'est pas seulement un outil pour les soignants : il permet aux patients d'exprimer plus clairement leurs besoins et de sensibiliser leur entourage aux fameuses maladresses qui peuvent parfois faire si mal.

Au-delà du guide, vous vous êtes consacrée à la création d'espaces où les patients et les soignants peuvent se rencontrer. Pourquoi ?

Delphine : Le groupe de soutien pour les femmes touchées par le cancer et leurs aidantes compte aujourd'hui plus de 4 000 membres et offre un lieu bienveillant pour des échanges cœur à cœur sur des sujets parfois si délicats. J’ai vraiment découvert toute la beauté de la sororité et cette magnifique entraide féminine. C'est un groupe de soutien où les femmes peuvent se sentir entendues, comprises et moins seules. Elles y trouvent aussi beaucoup de mots d’espoir dont on a tant besoin pendant le parcours de soins. Le podcast « Naître Princesse, Devenir Guerrière » aborde des thèmes essentiels tels que le retour au travail, les relations interpersonnelles et la gestion des conséquences psychologiques de la maladie. Chaque épisode parle de résilience et d'espoir, même lorsqu'il aborde des sujets difficiles.

Quelles leçons espérez-vous que les gens tirent de votre travail ?

Delphine : Il est important de comprendre que la maladresse dans le réconfort d'une personne malade est rarement mal intentionnée. La plupart des gens ne savent tout simplement pas quoi dire ou faire, et c'est normal. Mais en tant que patients, nous avons aussi un rôle à jouer dans l'éducation des autres. Au lieu de nous sentir victimes, nous pouvons expliquer gentiment ce dont nous avons besoin et pourquoi certains commentaires peuvent blesser. Ce guide est un pas en avant pour combler ce fossé. Si nous parvenons à le mettre entre les mains du plus grand nombre, nous contribuerons à améliorer la communication entre tous les acteurs de l’écosystème de santé, patients, soignants et entourage !

Vos activités de sensibilisation sont nombreuses. Avez-vous des projets pour l’avenir ?

Delphine : J'ai l'intention d'élargir le champ d'action du Petit Guide et d'aborder de nouveaux sujets, tels que l'impact du cancer sur la sexualité. Il y a tellement de négativité autour du cancer et de la sexualité que je voudrais mettre en lumière des histoires de redécouverte et d'espoir. Je rêve également d'aborder les pressions sociétales exercées sur les patients pour qu'ils fassent preuve de résilience ou accomplissent quelque chose d'extraordinaire pendant et après leur maladie. Tout le monde n'a pas besoin d'écrire un livre, de lancer un podcast ou de créer quelque chose au service de la communauté. Nous avons tous des modes d’expression différents quand on traverse une tempête. Déjà être capable de la traverser est extraordinaire !

Qu'est-ce qui vous motive dans votre travail ?

Pour moi, c'est personnel. Je ne ferais pas ce travail s'il ne m'aidait pas autant qu'il aide les autres. Chaque guide, chaque épisode de podcast, chaque conversation - ce sont des occasions formidables de connecter avec des personnes inspirantes. Pendant ma maladie, j'ai reçu tellement d'amour et de soutien. Aujourd'hui, c'est à mon tour de les transmettre.